Simultanéité des visions, expression formelle d'un message oral, tels sont les défis proposés à l'illustrateur, en particulier dans cette apparition de l'ange descendant du ciel drapé d'une nuée figurant, d'après l'auteur du commentaire, la chair dans laquelle le Verbe s'est incarné. Ainsi cet ange dont la face et les pieds rougeoyants rayonnent comme le feu, est pour l'auteur le symbole du Christ. Sa tête est ceinte d'un diadème évoquant l'arc-en-ciel, signe de propitiation depuis l'alliance conclue avec Noé.
Dominant de sa haute stature la création, il se tient debout à la fois sur la mer et sur la terre, assujettissant le monde des impies et des félons. Éclatent alors les voix terribles des sept tonnerres aux dires ineffables. Les tonnerres signifient la toute-puissance de Dieu. L'enlumineur n'a retenu que leur aspect redoutable les concrétisant par un monstre à sept têtes crachant en plein ciel d'or les flammes de leurs paroles mystérieuses. Tenant dans sa main gauche un petit livre ouvert, qu'il ne faut pas confondre avec le rouleau aux sept sceaux renfermant les mystères divins, l'ange au visage flamboyant lève le bras droit vers le ciel pour jurer dans un rugissement qu'il n'y a plus de délai à l'accomplissement du mystère divin « selon la bonne nouvelle que Dieu en a donnée à ses serviteurs les prophètes ».
Déjà représenté en train de rédiger sur la page précédente (f. 28v), Jean figure de nouveau, assis à son pupitre dans l'angle gauche du tableau. Il reçoit d'un messager céleste l'ordre de garder scellées les paroles proférées par les sept tonnerres jusqu'à ce que résonne la septième trompette. Sa présence dans cette page assure également l'équilibre de la composition.
Marie-Thérèse Gousset et Marianne Besseyre
Centre de Recherche sur les Manuscrits Enluminés, BnF
(Extrait du volumen de commentaires
Apocalypse 1313)