L'ange au grand pouvoir, symbole du Christ, qui plane dans un ciel illuminé d'or par la plénitude de sa splendeur, déploie son phylactère en désignant la cité maudite. "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande; elle s'est changée en demeure des démons, en repaire pour toutes sortes d'esprits impurs et dégoûtants" proclame-t-il d'une voix forte pendant qu'un diable, parodiant les anges du Jugement dernier, sonne de la trompette et qu'un comparse fait une surenchère de vacarme en jouant simultanément du tambour et du pipeau. Satan doté de visages multiples sur épaules et le bas du ventre, exécute au-dessus des toits une pantomime obscène en exhibant ses fesses. Ses suppôts querelleurs ont investi tous les édifices dont l'intérieur continue de brûler du feu de l'Enfer. Dans la tour de droite, un diable archer se penche par la baie pour décocher des flèches afin de viser son semblable, occupant la tour opposée. Lui-même, armé d'une rondache et d'un badelaire pourfend deux démons qui brandissent des gourdins par les fenêtres du bâtiment central. A côté, deux esprits mauvais, moins féroces, se contentent d'échanger des grimaces et de se livrer à des jeux de mains. Représentants du bestiaire infernal, une chauve-souris et un hibou ont trouvé refuge sur les hautes cheminées qui dominent Babylone.
Au f. 58v, Jean semble fasciné par le spectacle. Assis, le bras appuyé sur son pupitre, le menton calé dans la paume de sa main, il repose le bout du petit doigt sur sa lèvre inférieure selon un geste instinctif que l'artiste rend ici avec beaucoup de naturel et qui témoigne de sa capacité d'observation.
Marie-Thérèse Gousset et Marianne Besseyre
Centre de Recherche sur les Manuscrits Enluminés, BnF
(Extrait du volumen de commentaires
Apocalypse 1313)