La chute de Babylone et les lamentations qu'elle suscite fait l'objet d'un chapitre entier de l'Apocalypse que le concepteur du présent manuscrit s'est complu à scinder en de nombreux tableaux; tout en suivant la progression du récit johannique, ils évoquent la fin de cité sous différentes formes afin de pérenniser l'événement. Après avoir été incendiée, la ville, personnalisée par la grande prostituée, tombe tête la première dans la gueule béante et enflammée de Léviathan. Tenant encore la coupe de ses iniquités, elle est précipitée en Enfer sous les yeux des marchands. Ils contemplent avec effroi son destin qui entraîne inéluctablement leur ruine. Cette scène occupe la moitié inférieure de la composition tandis que la partie supérieure détaille le contenu des cargaisons dont le commerce assurait la prospérité des trafiquants. L'inventaire des marchandises énumérées par Jean s'étend sur trois registres. L'artiste a consacré les deux premiers aux denrées de luxe. Voisinant avec un encensoir en bronze doré, des rideaux et des sacs de formes variées, taillés dans des étoffes de lin fin, d'écarlate, tissées au fil d'or ou d'argent, sont suspendus à une barre; au-dessous, des bijoux aux gemmes multicolores serties d'or en bâte et entourées de perles, sont présentées sur un coussin blanc; à côté, sont disposés des coupes en verre, de la vaisselle précieuse, de la dinanderie et de pots renfermant les parfums, myrrhe et encens ainsi que les épices : le cinnamome et l'amome aux graines odorantes. Le troisième registre regroupe les tonneaux de vin et d'huile, les juments richement sellées, un troupeau de brebis, enfin les sac et panier de froment.
Marie-Thérèse Gousset et Marianne Besseyre
Centre de Recherche sur les Manuscrits Enluminés, BnF
(Extrait du volumen de commentaires Apocalypse 1313)