Aujourd’hui que la priorité de la découverte portugaise de la côte occidentale africaine est devenue depuis longtemps un fait incontesté, ce n’est plus comme preuve de cette dernière que le témoignage de la présente œuvre est invoqué, mais plutôt comme indice d’une vague connaissance de l’Australie dans la première moitié du xvie siècle. Bien qu’on ne trouve pas de traces d’une telle rumeur ni dans les chroniques portugaises, ni dans la documentation des archives, ni même sur les cartes nautiques portugaises parvenues jusqu’à nous, le fait que l’Atlas Vallard appose des toponymes presque exclusivement portugais aux accidents géographiques des côtes de ce qui semble être le continent australien démontre à satiété qu’il fut copié de prototypes portugais aujourd’hui disparus. Cela confère une plus grande vraisemblance à l’hypothèse que le vaste continent dessiné dans l’atlas, encore que très incorrectement, immédiatement au sud de l’Insulinde, tenterait bien de représenter l’Australie.
Il est possible que la trouvaille de l’Australie soit à mettre en relation avec la recherche de Pulo Mas (du malais Pulau Emas, « île de l’Or ») que l’on disait baigner quelque part au sud de Sumatra, avec des plages de poudre d’or au lieu de sable. Cette légende malaise a pu détenir un fond de vérité et résulter de vagues échos de l’existence de gisements aurifères dans la zone de Kimberley, au nord-ouest de l’Australie. Des pêcheurs ou des commerçants des îles les plus voisines, comme celle de Flores, qui se seraient aventurés jusque-là, auraient très bien pu trouver des pépites dans les sablières des rivières de la région ; de ce fait réel, accru par l’imagination populaire, serait né le mythe de Pulo Mas. Peut-être qu’un navigateur portugais, enthousiasmé par cette légende ou simplement dérouté par les vents, a vogué de Timor vers le sud, touchant ainsi les côtes australiennes. Au contraire du commerce du girofle des Moluques et de la noix muscade de Banda, le trafic du santal de Timor n’était pas un monopole royal et fut abandonné aux marchands privés, qui ne nous ont cependant pas laissé d’archives ; pour ce motif, il est impossible de déterminer quand et par qui la trouvaille eut lieu. Mais d’un autre côté, le continent australien a très bien pu être abordé par l’est par un navire castillan, détaché de sa flotte après le passage du détroit de Magellan, peut-être la caravelle San Lesmes de l’armada de García Jofre de Loaysa en 1526-27.
Luís Filipe F. R. Thomaz
Directeur de l'Institut d'Etudes Orientales de l'Université Catholique de Lisbonne
(Extrait du volume de commentaires Atlas Vallard)